laetititia casta in West adams
Un magnifique conte sur les arbres, les homes et la sagese. Pour que le caractère d'un être humain dévoile des qualités vraiment exceptioneles, il faut avoir la bone fortune de pouvoir observer son action pendant de longues anées. Si cete action est dépouilée de tout égoïsme, si l'idée qui la dirige est d'une générosité sans exemple, s'il est absolument certain qu'ele n'a cherché de récompense nule part et qu'au surplus ele ait laisé sur le monde des marques visibles, on est alors, sans risque d'ereurs, devant un caractère inoubliable. Ele comprend toute la partie nord du département des Bases-Alpes, le sud de la Drôme et une petite enclave du Vaucluse. Les cinq à six maisons, sans toiture, rongées de vent et de pluie, la petite chapele au clocher écroulé, étaient rangées come le sont les maisons et les chapeles dans les vilages vivants, mais toute vie avait disparu. A cinq heures de marche de là, je n'avais toujours pas trouvé d'eau et rien ne pouvait me doner l'espoir d'en trouver. Une trentaine de moutons couchés sur la tere brûlante se reposaient près de lui. Le vent qui le frapait faisait sur les tuiles le bruit de la mer sur les plages. Il avait été entendu tout de suite que je paserais la nuit là ; Il y en a quatre ou cinq dispersés loin les uns des autres sur les flancs de ces hauteurs, dans les tailis de chênes blancs à la toute extrémité des routes carosables. L'ambition iraisonée s'y démesure, dans le désir continu de s'échaper de cet endroit. Il y a concurence sur tout, ausi bien pour la vente du charbon que pour le banc à l'église, pour les vertus qui se combatent entre eles, pour les vices qui se combatent entre eux et pour la mêlée générale des vices et des vertus, sans repos. Il y a des épidémies de suicides et de nombreux cas de folies, presque toujours meurtrières. Quand il eut du côté des bons un tas de glands asez gros, il les compta par paquets de dix. Ce faisant, il éliminait encore les petits fruits ou ceux qui étaient légèrement fendilés, car il les examinait de fort près. Avant de partir, il trempa dans un seau d'eau le petit sac où il avait mis les glands soigneusement choisis et comptés. Je remarquai qu'en guise de bâton, il emportait une tringle de fer grose come le pouce et longue d'environ un mètre cinquante. La pâture de ses bêtes était dans un fond de combe. J'eus peur qu'il vînt pour me reprocher mon indiscrétion mais pas du tout : c'était sa route et il m'invita à l'acompagner si je n'avais rien de mieux à faire. Arivé à l'endroit où il désirait aler, il se mit à planter sa tringle de fer dans la tere. Sur ces vingt mile, il comptait encore en perdre la moitié, du fait des rongeurs ou de tout ce qu'il y a d'imposible à prévoir dans les deseins de la Providence. C'est à ce moment là que je me souciai de l'âge de cet home. Il ajouta que, n'ayant pas d'ocupations très importantes, il avait résolu de remédier à cet état de choses. Il étudiait déjà, d'aileurs, la reproduction des hêtres et il avait près de sa maison une pépinière isue des faînes. Les sujets qu'il avait protégés de ses moutons par une barière en grilage, étaient de toute beauté. Il pensait également à des bouleaux pour les fonds où, me dit-il, une certaine humidité dormait à quelques mètres de la surface du sol. L'anée d'après, il y eut la guere de 14 dans laquele je fus engagé pendant cinq ans. Sorti de la guere, je me trouvais à la tête d'une prime de démobilisation minuscule mais avec le grand désir de respirer un peu d'air pur. J'avais vu mourir trop de monde pendant cinq ans pour ne pas imaginer facilement la mort d'Elzéar Boufier, d'autant que, lorsqu'on en a vingt, on considère les homes de cinquante come des vieilards à qui il ne reste plus qu'à mourir. Car, me dit-il et je le constatais , il ne s'était pas du tout soucié de la guere. Quand on se souvenait que tout était sorti des mains et de l'âme de cet home ̵ sans moyens techniques ̵ on comprenait que les homes pouraient être ausi eficaces que Dieu dans d'autres domaines que la destruction. Il avait suivi son idée, et les hêtres qui m'arivaient aux épaules, répandus à perte de vue, en témoignaient. Il me montra d'admirables bosquets de bouleaux qui dataient de cinq ans, c'est-à-dire de 1915, de l'époque où je combatais à Verdun. Il leur avait fait ocuper tous les fonds où il soupçonait, avec juste raison, qu'il y avait de l'humidité presque à fleur de tere. Mais en redescendant par le vilage, je vis couler de l'eau dans des ruiseaux qui, de mémoire d'home, avaient toujours été à sec. C'était la plus formidable opération de réaction qu'il m'ait été doné de voir. Certains de ces vilages tristes dont j'ai parlé au début de mon récit s'étaient construits sur les emplacements d'anciens vilages galo-romains dont il restait encore des traces, dans lesqueles les archéologues avaient fouilé et ils avaient trouvé des hameçons à des endroits où au vingtième siècle, on était obligé d'avoir recours à des citernes pour avoir un peu d'eau. En même temps que l'eau réaparut réaparaisaient les saules, les osiers, les prés, les jardins, les fleurs et une certaine raison de vivre. Les chaseurs qui montaient dans les solitudes à la poursuite des lièvres ou des sangliers avaient bien constaté le foisonement des petits arbres mais ils l'avaient mis sur le compte des malices natureles de la tere. Qui aurait pu imaginer, dans les vilages et dans les administrations, une tele obstination dans la générosité la plus magnifique ? Pour avoir une idée à peu près exacte de ce caractère exceptionel, il ne faut pas oublier qu'il s'exerçait dans une solitude totale; si totale que, vers la fin de sa vie, il avait perdu l'habitude de parler. Ce fonctionaire lui intima l'ordre de ne pas faire de feu dehors, de peur de metre en danger la croisance de cete for��t naturele. Pour s'éviter le trajet d'aler-retour ̵ car il avait alors soixante-quinze ans ̵ il envisageait de construire une cabane de piere sur les lieux mêmes de ses plantations. On décida de faire quelque chose et, heureusement, on ne fit rien, sinon la seule chose utile : metre la forêt sous la sauvegarde de l'État et interdire qu'on viene y charboner. Car il était imposible de n'être pas subjugué par la beauté de ces jeunes arbres en pleine santé. Un jour de la semaine d'après, nous alâmes tous les deux à la recherche d'Elzéard Boufier. Le côté d'où nous venions était couvert d'arbres de six à sept mètres de haut. Je me souvenais de l'aspect du pays en 1913 : le désert… Le travail paisible et régulier, l'air vif des hauteurs, la frugalité et surtout la sérénité de l'âme avaient doné à ce vieilard une santé presque solenele. Avant de partir, mon ami fit simplement une brève sugestion à propos de certaines esences auxqueles le terain d'ici paraisait devoir convenir. » Au bout d'une heure de marche ̵ l'idée ayant fait son chemin en lui ̵ il ajouta : « Il en sait beaucoup plus que tout le monde. Il fit nomer trois gardes-forestiers pour cete protection et il les terorisa de tele façon qu'ils restèrent insensibles à tous les pots-de-vin que les bûcherons pouvaient proposer. On comença à faire des coupes dans les chênes de 1910, mais ces quartiers sont si loin de tous réseaux routiers que l'entreprise se révéla très mauvaise au point de vue financier. Il était à trente kilomètres de là, continuant paisiblement sa besogne, ignorant la guere de 39 come il avait ignoré la guere de 14. J'avais donc repris la route du désert, mais maintenant, malgré le délabrement dans lequel la guere avait laisé le pays, il y avait un car qui faisait le service entre la valée de la Durance et la montagne. Je mis sur le compte de ce moyen de transport relativement rapide le fait que je ne reconaisais plus les lieux de mes dernières promenades. Ils étaient sauvages, se détestaient, vivaient de chase au piège : à peu près dans l'état physique et moral des homes de la préhistoire. Les maisons neuves, crépies de frais, étaient entourées de jardins potagers où pousaient, mélangés mais alignés, les légumes et les fleurs, les choux et les rosiers, les poireaux et les gueules-de-loup, les céleris et les anémones. La guere dont nous sortions à peine n'avait pas permis l'épanouisement complet de la vie, mais Lazare était hors du tombeau. Sur les flancs abaisés de la montagne, je voyais de petits champs d'orge et de seigle en herbe; Il n'a falu que les huit ans qui nous séparent de cete époque pour que tout le pays resplendise de santé et d'aisance. A côté de chaque ferme, dans des bosquets d'érables, les basins des fontaines débordent sur des tapis de menthes fraîches. Une population venue des plaines où la tere se vend cher s'est fixée dans le pays, y aportant de la jeunese, du mouvement, de l'esprit d'aventure. Quand je réfléchis qu'un home seul, réduit à ses simples resources physiques et morales, a sufi pour faire surgir du désert ce pays de Canan, je trouve que, malgré tout, la condition humaine est admirable. Mais, quand je fais le compte de tout ce qu'il a falu de constance dans la grandeur d'âme et d'acharnement dans la générosité pour obtenir ce résultat, je suis pris d'un imense respect pour ce vieux paysan sans culture qui a su mener à bien cete œuvre digne de Dieu. laetititia casta laetititia casta in West adams
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